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12.12.2018
La Cour de cassation rappelle les règles de preuve à la charge de l’employeur en matière de faute inexcusable commise à l’égard du salarié intérimaire

Par un arrêt en date du 11 octobre 2008, la Cour de cassation confirme que l’employeur d’un salarié intérimaire, affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, est présumé responsable d’une faute inexcusable ayant conduit à un accident du travail ou une maladie professionnelle et que cette présomption ne peut être renversée que par la preuve d’une formation renforcée à la sécurité prévue par l’article L.4154-2 du Code du travail.

 

Les seules mesures prises par l’employeur pour préserver le salarié des risques auxquels il est exposé sont insuffisantes.

 

Rappelons que la présomption de faute inexcusable est codifiée à l’article L.4154-3 du Code du travail.

 

En l’absence de formation, il appartient à l’employeur et à son assureur, qui seront seuls tenus d’indemniser le salarié et les organismes de Sécurité Sociale,  d’exercer un recours en garantie à l’encontre de l’entreprise utilisatrice auprès de laquelle le salarié intérimaire est mis à disposition.

 

Cass. 2ème civ., 11 octobre 2018, n° 17-23694

Responsabilité médicale : absence de méconnaissance de l’obligation d’information des risques en l’absence de réalisation de ces risques

Par arrêt en date du 14 novembre 2018, la Cour de Cassation précise que si les médecins sont débiteurs d’une obligation d’information des patients sur les risques de leurs actes de prévention, de diagnostic et de soins, une telle obligation n’est pas violée en l’absence de réalisation de ces risques.

 

En l’espèce, un enfant a été atteint de troubles graves dans les suites immédiates d’une vaccination contre l’hépatite B.

 

La Cour de cassation rappelle que les médecins sont tenus d’informer les patients sur les effets indésirables des vaccins, leurs contre-indications et leurs autres effets possiblement nocifs.

 

Elle ajoute que toutefois, en l’absence de preuve du lien de causalité entre les troubles et la vaccination, et partant de réalisation des risques de cette dernière, aucune méconnaissance de ladite obligation d’information ne peut être retenue.

 

Cass. 1ère civ., 22 novembre 2018, n° 17-27980 et 17-28529, FS-P+B

04.12.2018
Un mot sur la procédure participative

Créée par le décret n°2017-892 du 6 mai 2017 (articles 1543 et suivants du code de procédure civile), la procédure participative est rarement utilisée mais peut dans certaines circonstances présenter des avantages.

 

Elle consiste en la conclusion pour une durée déterminée, par les parties assistées par leurs conseils, d’un contrat  organisant les modalités d’une discussion amiable.

 

Tant que la convention est en cours, le juge ne peut pas être saisi, sauf inexécution d’une partie.

 

La prescription est également suspendue.

 

Surtout, les parties peuvent recourir à un tiers, notamment un technicien, dont le rapport pourra être produit en justice (article 1554 du code de procédure civile).

 

Elles peuvent ainsi organiser une expertise  judiciaire mais en choisissant l’expert (ce qui peut être utile lorsqu’on souhaite éviter une désignation malheureuse), maîtrisant sa rémunération, et contrôlant le rythme de l’expertise (ce qui permet de la suspendre pour des discussions, éviter un dépôt précipité du rapport, etc).

 

Cette procédure est à réserver à des dossiers à forts enjeux, dans lesquels il existe un très faible nombre de parties, aucun risque de nécessité d’appel à la cause postérieur de tierces parties, et une relative bonne foi de part et d’autre.

La faute dolosive de l’assuré

L’arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (n°16-23.13) est l’occasion d’abord de confirmer la différence  entre la faute intentionnelle et la faute dolosive, évoquées par l’article L.113-1 du code des assurances.

 

La faute intentionnelle est celle par laquelle l’assuré veut causer le dommage.

 

Il ne s’agit ainsi pas seulement de vouloir le fait générateur, mais également le dommage qui en résulte, intention difficile à prouver pour l’assureur entendant refuser sa garantie.

 

La faute dolosive est plus particulièrement contractuelle, l’assuré s’abstenant volontairement d’exécuter une obligation, souscrite soit auprès d’un cocontractant, soit de son assureur (manquement à une obligation de prévention par exemple).

 

Le dommage n’est pas voulu (différence fondamentale avec la faute intentionnelle), mais il est assumé par l’assuré afin de satisfaire son propre intérêt.

 

Ce régime juridique des fautes intentionnelle et dolosive résulte de l’analyse doctrinale d’une jurisprudence fluctuante, la Cour de cassation le retenant (2ème civ. 12 septembre 2013, n°12-24.650) ou s’en éloignant (3ème civ. 1er juillet 2015, n°14-19.826) au gré de ses décisions.

 

L’arrêt du 25 octobre 2018 est à cet égard opportun.

 

Il l’est d’abord par sa réaffirmation de l’existance d’une faute dolosive distincte de la faute intentionnelle, ce qui va dans le sens du régime précité.

 

Il l’est également en ce qu’il offre une solution pour les cas extrêmes de défauts d’entretien, la décision sanctionnant le défaut d’entretien par un propriétaire de sa part de la couverture d’une grange :

 

« la persistance de M. X… dans sa décision de ne pas entretenir la couverture de son immeuble manifestait son choix délibéré d’attendre l’effondrement de celle-ci, a pu en déduire qu’un tel choix, qui avait pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque, constituait une faute dolosive excluant la garantie de l’assureur ».

 

La faute dolosive est ainsi susceptible de venir au secours de la faiblesse des clauses d’exclusion relatives au défaut d’entretien, sous réserve que, selon cette décision, l’assuré  ait eu conscience du caractère inéluctable du dommage.

 

Cette exigence de l’inéluctabilité du dommage, qui n’était pas indispensable à la motivation de la Cour, est regrettable, la faute dolosive pouvant se concevoir alors que le dommage est seulement probable, l’idée étant que l’assuré se désintéresse des conséquences de sa faute contractuelle, son intérêt seul primant.

 

Il n’est pas impossible que ce qui ressemble à une condition supplémentaire ajoutée par la Cour soit la conséquence de la référence à l’aléa, dont l’appréciation au stade de la conclusion du contrat implique que les dommages soient inéluctables.

 

Si les assureurs opposent davantage la faute dolosive, la Cour de cassation pourra affiner sa jurisprudence … à l’horizon 2024.

Incendie : la responsabilité du propriétaire unique à l’égard des locataires victimes

Un arrêt de la 3ème chambre civile du 12 juillet 2018 (n°17-20.696) porte sur l’hypothèse d’un incendie survenant dans une partie louée d’un immeuble ayant un propriétaire unique et plusieurs locataires, décision qui n’est pas isolée (3ème civ. 19 mai 2004, n°02-19.730), ce qui confirme l’intérêt de la solution.

 

La Cour de cassation retient un principe de responsabilité du propriétaire à l’égard des locataires victimes (ceux dans les locaux desquels le feu n’a pas pris naissance) fondé sur le droit à une jouissance paisible de l’article 1719 du code civil.

 

Le propriétaire ne peut s’exonérer que par la force majeure, ce qui revient à faire peser sur lui une présomption de responsabilité similaire à celle dont il bénéficie sur le locataire responsable par l’effet de l’article 1733 du code civil.

 

La jurisprudence est intéressante en ce qu’elle donne au locataire victime un responsable qui aurait pu lui manquer sur le fondement de l’article 1242 (1384 ancien) alinéa 2 du code civil, en l’absence de preuve d’une faute.

 

Il serait logique que, par la combinaison de cette règle et de l’article 1733 précité, le propriétaire se voit responsable à l’égard des locataires victimes mais soit garanti par le locataire « auteur », ce qui revient en définitive à faite porter sur son assureur l’entière charge du sinistre.

 

En outre, si elle a été dégagée par la Cour de cassation pour ce cas spécifique d’une unicité de propriétaire, la solution conduit à s’interroger sur la possible extension de sa portée à l’hypothèse plus classique d’un immeuble comportant plusieurs bailleurs.

 

Il n’est pas exclure que, au même visa de l’article 1719, la responsabilité du bailleur du seul locataire victime (ie le bailleur non propriétaire du local d’où l’incendie est parti) soit retenue, ce qui le placerait dans une position différente de celle du bailleur unique puisqu’il ne bénéficierait pas de la garantie du locataire responsable fondée sur l’article 1733.

 

Le régime des responsabilités en cas d’incendie pourrait utilement faire l’objet d’une réflexion globale par le législateur.

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