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19.04.2019
Le créancier de l’indemnité en cas de vente

La haute juridiction a été fluctuante sur la question.

 

Elle a d’abord retenu que seul le propriétaire au moment du sinistre a droit à l’indemnité d’assurance (1ère civ. 18 juillet 2000, n°98-12.272).

 

Puis au contraire que ce sont les acquéreurs qui peuvent y prétendre (2ème civ. 4 novembre 2010, n°09-71.677).

 

Elle est ensuite revenue à sa première solution, énonçant que le bénéficiaire de l’indemnité est le propriétaire au moment du sinistre (2ème civ. 7 avril 2011, n°10-17.426).

 

Elle a encore fait un revirement en disant que l’acquéreur de l’immeuble a qualité à agir en paiement de l’indemnité même pour les dommages antérieurs à la vente (3ème civ. 7 mai 2014, n°13-16.400).

 

Par un arrêt du 7 mars 2019 (n°18-10.973) publié au bulletin, la 3ème chambre civile a eu de nouveau à se prononcer sur le bénéficiaire de l’indemnité d’assurance en cas de vente du bien.

 

La Cour d’appel de Douai a retenu le 26 octobre 2017 que l’acheteur n’est subrogé dans les droits du vendeur que lors du transfert de propriété, et que c’est au jour du sinistre que doit être appréciée la qualité de propriétaire.

 

La Cour de cassation censure au motif que « sauf clause contraire, l’acquéreur du bien assuré se voit transmettre l’ensemble des droits nés du contrat d’assurance souscrit par le cédant et peut en conséquence réclamer le versement entre ses mains de l’indemnité due au titre du sinistre, alors même que celui-ci serait antérieur au transfert de propriété ».

 

Ainsi, l’acheteur n’a pas seulement droit à l’indemnité lorsqu’il était propriétaire lors du sinistre, mais également (sauf clause contraire) pour un sinistre antérieur dès lors que l’indemnité n’a pas encore été versée.

 

La Cour de cassation confirme ainsi sa dernière jurisprudence.

 

L’acte de vente doit donc être étudié avant le versement de l’indemnité, pour le cas où le vendeur se serait réservé le bénéfice de l’indemnité.

 

En l’absence de clause, l’indemnité devra être versée à l’acheteur … sauf nouveau revirement de jurisprudence.

Exceptions à la réparation en valeur de reconstruction

Il est de jurisprudence que la victime n’a aucune déduction du vieux au neuf à supporter : la réfection ou la reconstruction doit être supportée par le responsable au coût du neuf, quel qu’ait été l’état du bien immobilier avant la survenance du dommage.

 

La raison est que « déduire des frais de la remise en état le coefficient de vétusté correspondant à l’âge du bâtiment ne replacerait pas la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, puisqu’elle supporterait alors injustement une dépense supplémentaire rendue nécessaire par la faute du tiers ».

 

La solution est constante (2ème civ., 8 avril 1970 : Bull. civ. 1970, II, n° 111 ; 2ème civ., 16 décembre 1970 : Bull. civ. 1970, II, n° 346 ; 2 ème civ., 14 juin 1995, n° 93-16.667 ; 3 ème civ., 24 févr. 1998, n° 96-17404 ; 3 ème civ., 6 mai 1998, n° 96-13.001 ; 2 ème civ., 23 janvier 2003, n° 01-00.200 ; 2 ème civ., 25 novembre 2004, n° 03-18.220 ; Crim., 24 févr. 2009, n° 08-83.956 ; 3 ème civ., 1er déc. 2009, n° 08-18.296 ; 3 ème civ., 12 janv. 2010, n° 08-19.224 ; 3 ème civ., 6 nov. 2013, n° 12-25.816 ; 3ème civ. 19 février 2014, n°13-12.171 ; 2ème civ. 5 février 2015, n°13-22.087).

 

Elle connaît cependant des exceptions.

 

La première est lorsque la reconstruction est impossible.

 

Des immeubles s’effondrant car bâtis sur une champignonnière ne pouvant pas être reconstruits sur place, l’indemnité a été fixée non à hauteur de la valeur de reconstruction mais de la valeur vénale  (2 ème civ., 23 nov. 1988, n° 87-16.965).

 

Ainsi, en l’absence de possibilité de reconstruction, la valeur doit être celle de remplacement, c’est-à-dire l’acquisition d’immeubles similaires, avec donc une prise en compte de la vétusté.

 

Cette solution a été confirmée (3ème civ. 8 avril 2010, n°08-21.393 ;  3 ème civ., 7 sept. 2017, n° 16-15.257 ; 2ème civ. 9 décembre 2010, n°09-16.862, hypothèse d’un immeuble dont la destination était compromise).

 

La seconde est en cas de défaut d’entretien de l’immeuble.

 

Ainsi, « lorsque le mauvais état d’un immeuble résulte d’un défaut d’entretien comme cela est le cas en l’espèce, il est normal que le propriétaire responsable de ce défaut d’entretien subisse les conséquences de sa propre carence » (2 ème civ., 31 mai 1989, n°88-13.567).

 

Un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 15 janvier 2019 s’inscrit dans cette jurisprudence.

 

Un immeuble, incendié par des mineurs, ayant été antérieurement déclaré par l’administration en état d’abandon manifeste, la valeur de reconstruction (325.184 euros) est écartée.

 

La valeur vénale (10.671 euros)  doit donc être retenue, estimée au jour où le juge statue.

 

Cet arrêt confirme ainsi que, lorsque l’état du bien le justifie, il peut être exceptionnellement dérogé à la règle de l’indemnisation en valeur à neuf.

L’incidence des déclarations spontanées de l’assuré pour l’appréciation du risque

Un récent arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, outre de montrer que la persévérance peut être fructueuse, est d’intérêt pour l’appréhension du régime des fausses déclarations des articles L.113-8 et L.113-9 du code des assurances.

 

Le 21 mars 2003, une ferme d’éoliennes a transmis à son futur assureur bris de machine, lors de l’évaluation du risque, la notice d’une certaine marque d’éolienne, réputée de qualité.

 

Une éolienne s’est effondrée dans la nuit du 31 décembre 2003 au 1er décembre 2004.

 

Le 14 décembre 2005, le Tribunal de commerce de Roubaix a condamné l’assureur à garantir.

 

En appel, l’assureur a notamment soutenu que les pales de l’éolienne ne correspondaient pas à la notice qui lui avait été remise lors de la souscription.

 

Par un arrêt du 10 mai 2007, la Cour d’appel de Douai a suivi l’assureur en prononçant la nullité du contrat sur le fondement de l’article L.113-8 du code des assurances.

 

L’assuré s’est pourvu.

 

La 2ème chambre civile de la Cour de cassation a censuré par un arrêt du 2 octobre 2008 (n°07-17.443) au motif que la cour d’appel n’avait pas constaté que la fausse déclaration était intentionnelle.

 

Cet arrêt est d’un intérêt limité, sinon de rappeler que la fausse déclaration ne permet l’annulation du contrat que lorsque la mauvaise foi de l’assuré est établie.

 

L’affaire est revenue devant la Cour d’appel de Douai, qui, le 16 décembre 2010, par une motivation atypique (« la Cour ne voit pas d’intérêt à la dissimulation ; quel était le risque de tout dire : une éventuelle augmentation de prime ; alors le jeu n’en valait pas la chandelle ») a estimé qu’il n’y avait pas d’intention malicieuse de la part de l’assuré.

 

La nullité a donc été écartée, et le jugement confirmé en ce qu’il a condamné l’assureur à indemniser.

 

L’assureur s’est pourvu.

 

Par un arrêt du 9 février 2012 (n°11-13.245), la 2ème chambre civile a de nouveau cassé, au motif que la Cour d’appel n’aurait pas dû dire irrecevable la demande de l’assureur fondée sur l’article L.113-9 du code des assurances.

 

L’intérêt de cette décision, relative à la recevabilité des moyens nouveaux en cause d’appel, est purement procédural.

 

L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel d’Amiens qui, le 19 mars 2015, a énoncé que l’assuré ne pouvait ignorer ni l’hétérogénéité de l’éolienne, ni l’influence pour l’appréciation du risque par l’assureur de la renommée du fabriquant déclaré, de sorte que l’assuré a (la motivation mérite d’être intégralement reproduite) :

 

« délibérément menti sur la nature précise des biens assurés en leur attribuant une provenance inexacte et sur la fiabilité pouvant légitimement en être attendue au regard de leur origine alléguée et ce dans le dessein de tromper la compagnie d’assurance sur l’appréciation du risque devant être assuré et obtenir de celle-ci de meilleures conditions d’assurance, notamment tarifaires (…) ; qu’il s’ensuit, peu important l’importance de l’avantage réellement obtenu, que le contrat d’assurance doit être déclaré nul en application des dispositions de l’article L.113-8 al.1 du code des assurances ».

 

L’assuré s’est pourvu.

 

Son premier moyen était que l’assureur ne peut se prévaloir de la fausse déclaration que si elle résulte d’une question posée à l’assuré.

 

Il faisait valoir qu’il avait transmis spontanément à l’assureur la notice litigieuse pour lui présenter le matériel à assurer, sans que l’assureur ne lui ait posé une question précise.

 

Cet argument était conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (Ch. Mixte 7 février 2014, n°12-58.107).

 

La 2ème chambre civile a pourtant rejeté le pourvoi par un arrêt du 17 janvier 2019 (n°15-18.514) au motif que « le juge peut prendre en compte, pour apprécier l’existence d’une fausse déclaration intentionnelle prévue à l’article L. 113-8 du même code, les déclarations faites par l’assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat ».

 

Bien qu’elle n’ait pas été publiée au bulletin, cette décision pourrait marquer un assouplissement de la jurisprudence.

 

Une telle évolution a pu être déjà initiée par la 2ème chambre par un arrêt ayant retenu que l’absence de questionnaire n’empêche pas l’application de l’article L.113-8 lorsque les déclarations de l’assuré sont tellement précises qu’elles ne peuvent que résulter de questions de l’assureur (2ème civ. 11 juin 2015, n°14-17.971).

 

Si cette tendance se confirme, le juge pourra se permettre des analyses au cas par cas, selon la nature de l’assurance et le degré d’information de l’assuré, ce qui serait tout simplement plus équitable, tant pour l’assuré que pour l’assureur.

04.02.2019
L’utilité du questionnaire de souscription

L’assureur garantit un risque, délimité notamment par les déclarations de l’assuré à la souscription du contrat.

 

Si l’assureur a été trompé par les déclarations erronées de l’assuré, il peut se prévaloir des articles L.113-8 (nullité du contrat) ou L.113-9 (réduction de l’indemnité) du code des assurances, selon la bonne ou la mauvaise foi de l’assuré.

 

Cependant, la mise en œuvre de ces mécanismes suppose l’existence de réponses de l’assuré à des questions de l’assureur, sous la forme usuelle d’un questionnaire de souscription (Ch. Mixte 7 février 2014, n°12-58.107).

 

L’équation est simple : pas de questions, pas de réponse, pas de déclaration, pas d’application des articles L.113-8 et 9.

 

Le seul assouplissement de la jurisprudence en cas d’absence de questions est lorsque les déclarations de l’assuré sont tellement précises qu’elles ne peuvent que résulter de questions de l’assureur (2ème civ. 11 juin 2015, n°14-17.971).

 

Le questionnaire est donc utile puisqu’il contribue à garantir que le risque assuré est celui annoncé, et protège l’assureur si tel n’est pas le cas.

 

Un arrêt de la 2ème chambre civile du 22 novembre 2018 (n°17-26.355) vient rappeler cette utilité.

 

Un incendie s’était propagé à la grange de l’assuré.

 

Malheureusement, celui-ci, collectionneur émérite, y avait entreposé 3,7 tonnes d’armes et de munition dont la combustion a quelque peu aggravé les dommages.

 

La Cour d’appel a estimé que l’assuré avait manqué à son obligation générale de bonne foi, et validé le refus de garantie.

 

La Cour de cassation a censuré : « en se déterminant ainsi, sans constater que l’absence de déclaration, au cours du contrat, des circonstances nouvelles ayant pour effet d’aggraver les risques ou d’en créer de nouveaux rendait inexactes ou caduques les réponses précédemment apportées aux questions posées par l’assureur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

 

Ce faisant, elle retient implicitement que l’absence de déclaration de la modification du risque relève du seul article L.113-2 du code des assurances, qui impose à l’assuré de déclarer en cours de contrat « les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques ».

 

Or l’assureur ne peut reprocher un défaut d’information de la modification postérieure du risque que si elle correspond à une déclaration initiale valide : la circonstance modifiée doit se rattacher à un fait déclaré lors de la souscription.

 

En l’absence de questionnaire de souscription, l’assureur ne pourra donc pas se prévaloir d’une modification du risque.

 

L’intérêt de faire remplir et signer un questionnaire complet par le service de souscription lors de la conclusion du contrat d’assurance est donc certain.

Catastrophe naturelle et cause déterminante

Pour que l’évènement naturel permette la mise en œuvre du régime des Catastrophes Naturelles, il doit présenter un lien de causalité direct, déterminant et inévitable, toutes conditions résultant de l’article L.125-1 du code des assurances.

 

Le lien doit être direct entre l’agent naturel et les dommages.

 

Tel est le cas des dommages à un immeuble par l’effondrement d’un mur d’un tiers provoqué par l’agent naturel (2ème civ. 16 avril 2015, n°14-13.293), mais non des désordres résultant de l’inopérance des travaux de reprise des dégâts provoqués par l’agent naturel (3ème civ. 12 janvier 2011, n°09-17.131).

 

La catastrophe naturelle doit être l’antécédent déterminant du dommage, ce qui renvoie à la notion de cause adéquate.

 

Ainsi en est-il de la destruction causée par des fortes précipitations malgré la conception fautive de l’ouvrage (3ème civ. 5 mai 2015, n°14-12.829), mais non de l’immeuble déjà endommagé en raison d’un défaut de conception de ses fondations dont l’état est aggravé par une sécheresse (1ère civ. 7 mai 2002, n°99-11.174).

 

Enfin, les « mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pas pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises », la garantie étant refusée par exemple lorsque les dommages auraient pu être prévenus par une conception adaptée de l’ouvrage (3ème civ. 28 novembre 2001, n°00-14.320).

 

Par un arrêt du 20 décembre 2018 (n°17-17.187), la 3ème Chambre civile a rappelé l’exigence du caractère déterminant, estimant que la garantie n’était pas applicable dès lors que l’évènement naturel (une sécheresse) n’avait fait qu’aggraver des désordres préexistants.

 

La cause déterminante était un dégât des eaux et l’absence d’intervention sur des fondations structurellement défaillantes depuis l’origine.

 

L’existence d’une catastrophe naturelle n’implique ainsi pas nécessairement la mise en œuvre de la garantie éponyme, l’état antérieur de l’immeuble étant un facteur essentiel.

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