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19.04.2019
Exceptions à la réparation en valeur de reconstruction

Il est de jurisprudence que la victime n’a aucune déduction du vieux au neuf à supporter : la réfection ou la reconstruction doit être supportée par le responsable au coût du neuf, quel qu’ait été l’état du bien immobilier avant la survenance du dommage.

 

La raison est que « déduire des frais de la remise en état le coefficient de vétusté correspondant à l’âge du bâtiment ne replacerait pas la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, puisqu’elle supporterait alors injustement une dépense supplémentaire rendue nécessaire par la faute du tiers ».

 

La solution est constante (2ème civ., 8 avril 1970 : Bull. civ. 1970, II, n° 111 ; 2ème civ., 16 décembre 1970 : Bull. civ. 1970, II, n° 346 ; 2 ème civ., 14 juin 1995, n° 93-16.667 ; 3 ème civ., 24 févr. 1998, n° 96-17404 ; 3 ème civ., 6 mai 1998, n° 96-13.001 ; 2 ème civ., 23 janvier 2003, n° 01-00.200 ; 2 ème civ., 25 novembre 2004, n° 03-18.220 ; Crim., 24 févr. 2009, n° 08-83.956 ; 3 ème civ., 1er déc. 2009, n° 08-18.296 ; 3 ème civ., 12 janv. 2010, n° 08-19.224 ; 3 ème civ., 6 nov. 2013, n° 12-25.816 ; 3ème civ. 19 février 2014, n°13-12.171 ; 2ème civ. 5 février 2015, n°13-22.087).

 

Elle connaît cependant des exceptions.

 

La première est lorsque la reconstruction est impossible.

 

Des immeubles s’effondrant car bâtis sur une champignonnière ne pouvant pas être reconstruits sur place, l’indemnité a été fixée non à hauteur de la valeur de reconstruction mais de la valeur vénale  (2 ème civ., 23 nov. 1988, n° 87-16.965).

 

Ainsi, en l’absence de possibilité de reconstruction, la valeur doit être celle de remplacement, c’est-à-dire l’acquisition d’immeubles similaires, avec donc une prise en compte de la vétusté.

 

Cette solution a été confirmée (3ème civ. 8 avril 2010, n°08-21.393 ;  3 ème civ., 7 sept. 2017, n° 16-15.257 ; 2ème civ. 9 décembre 2010, n°09-16.862, hypothèse d’un immeuble dont la destination était compromise).

 

La seconde est en cas de défaut d’entretien de l’immeuble.

 

Ainsi, « lorsque le mauvais état d’un immeuble résulte d’un défaut d’entretien comme cela est le cas en l’espèce, il est normal que le propriétaire responsable de ce défaut d’entretien subisse les conséquences de sa propre carence » (2 ème civ., 31 mai 1989, n°88-13.567).

 

Un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 15 janvier 2019 s’inscrit dans cette jurisprudence.

 

Un immeuble, incendié par des mineurs, ayant été antérieurement déclaré par l’administration en état d’abandon manifeste, la valeur de reconstruction (325.184 euros) est écartée.

 

La valeur vénale (10.671 euros)  doit donc être retenue, estimée au jour où le juge statue.

 

Cet arrêt confirme ainsi que, lorsque l’état du bien le justifie, il peut être exceptionnellement dérogé à la règle de l’indemnisation en valeur à neuf.

04.12.2018
Un mot sur la procédure participative

Créée par le décret n°2017-892 du 6 mai 2017 (articles 1543 et suivants du code de procédure civile), la procédure participative est rarement utilisée mais peut dans certaines circonstances présenter des avantages.

 

Elle consiste en la conclusion pour une durée déterminée, par les parties assistées par leurs conseils, d’un contrat  organisant les modalités d’une discussion amiable.

 

Tant que la convention est en cours, le juge ne peut pas être saisi, sauf inexécution d’une partie.

 

La prescription est également suspendue.

 

Surtout, les parties peuvent recourir à un tiers, notamment un technicien, dont le rapport pourra être produit en justice (article 1554 du code de procédure civile).

 

Elles peuvent ainsi organiser une expertise  judiciaire mais en choisissant l’expert (ce qui peut être utile lorsqu’on souhaite éviter une désignation malheureuse), maîtrisant sa rémunération, et contrôlant le rythme de l’expertise (ce qui permet de la suspendre pour des discussions, éviter un dépôt précipité du rapport, etc).

 

Cette procédure est à réserver à des dossiers à forts enjeux, dans lesquels il existe un très faible nombre de parties, aucun risque de nécessité d’appel à la cause postérieur de tierces parties, et une relative bonne foi de part et d’autre.

01.11.2018
La portée des clauses d’exclusion de solidarité

La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a confirmé la validité d’une clause d’exclusion de solidarité (3ème civ. 8 février 2018, n°17-13.596), clause figurant dans le contrat-type proposé par l’Ordre des architectes, et donc régulièrement opposée par leurs assureurs.

 

Cet arrêt précité est la confirmation d’un autre antérieur (3ème civ. 19 mars 2013, n°11-25.266), de sorte que la jurisprudence semble s’établir.

 

Elle conduit le juge à ne prononcer à l’encontre du bénéficiaire de la clause qu’une condamnation limitée en proportion de sa part de responsabilité.

 

Fut-elle limitée à la seule hypothèse de mise en cause de la responsabilité contractuelle du prestataire (les articles 1792-5 du code civil et L.111-20-1 du code de la construction et de l’habitation réputant ces clauses non-écrites pour ce qui est des garanties légales), la solution est discutable.

 

Si l’expert judiciaire fixe des pourcentages de responsabilité, ils ne sont qu’indicatifs de l’importance des fautes respectives des intervenants, et ne signifient pas que les fautes sont distinctes.

 

La pluralité de responsables implique généralement que le dommage résulte d’un concours de fautes, particulièrement en matière de construction.

 

L’obligation de chaque coresponsable de réparer l’entier dommage, qui fonde les condamnations in solidum, devrait donc prévaloir, et ne pas pouvoir être paralysée par le contrat.

 

Les conséquences pourraient en outre être d’autant plus préjudiciables pour la victime que l’assureur de dommages pourrait se prévaloir de l’exception de subrogation du deuxième alinéa de l’article L.121-12 du Code des assurances.

 

En attendant un hypothétique revirement, il est prudent d’identifier au plus tôt l’existence d’une telle clause, et d’insister en expertise sur la responsabilité de son bénéficiaire.

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